- prédestiner
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• 1190 ; lat. ecclés. prædestinare1 ♦ Relig. Destiner, de toute éternité et de manière inéluctable, à la damnation ou au salut.2 ♦ Par ext. Vouer d'avance à l'accomplissement de grandes choses, à un destin particulier (surtout au pass.). Rien ne le prédestinait à jouer un rôle aussi important. ⇒ destiner, prédisposer.♢ Disposer par avance à un usage, un emploi particulier. Climat qui prédestine un pays à l'agriculture.prédestinerv. tr.d1./d THEOL Destiner de toute éternité à la damnation ou au salut.d2./d Par ext. Destiner par avance à (qqch, à un avenir particulier).⇒PRÉDESTINER, verbe trans.A. —THÉOL. Dieu prédestine qqn (à qqc.). Vouer d'avance, de manière inéluctable au salut ou à la damnation. Peut-on concevoir un visage, des gestes plus reposés, plus calmes, en un mot moins jansénistes, je veux dire, moins dominés par une religion de terreur. Assurément le Dieu qu'elle prie ne commande pas l'impossible et ne prédestine personne à l'enfer (BREMOND, Hist. sent. relig., t.4, 1920, p.179).B. —P. ext.1. Prédisposer quelqu'un à l'accomplissement de grandes choses ou à un destin particulier, heureux ou malheureux.a) Dieu prédestine qqn (à, ou moins usuel, pour + subst. ou inf.) Dieu avait prédestiné Moïse pour être le conducteur de son peuple (Ac.). Si jamais peuple fut prédestiné par le ciel pour un destin spécial et mérite le nom de peuple de Dieu, ce fut celui-là [la Grèce] (JOUFFROY, Mél. philos., 1833, p.66).b) Souvent au passif. Qqn est prédestiné (à + subst. ou inf.). Être prédestiné au bonheur, aux catastrophes, à la révolte, à la solitude; être prédestiné à souffrir. Décidément j'étais prédestiné. Je n'allais plus que les regards en l'air, attendant du ciel, comme Élie, mon plaisir et ma nourriture (GIDE, Si le grain, 1924, p.479):• ♦ Allons, se disait-il tout en cheminant, j'étais prédestiné à mourir de faim et d'ennui entre ces murailles lézardées, sous ce toit qui laisse passer la pluie comme un crime. Nul n'évite son sort et j'accomplirai le mien: je serai le dernier des Sigognac.GAUTIER, Fracasse, 1863, p.454.2. Qqc. prédestine qqn ou qqc. (à + subst. ou inf.). Prédisposer à un destin particulier. Son caractère, plein de douceur et de tendresse, le prédestinait à l'exploitation que les faibles femmes pratiquent sur les hommes forts (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p.164). Mon cou flexible, mes bras pendants, ma taille (...) me prédestinaient à obéir (COLETTE, Cl. s'en va, 1903, p.9). La structure de son pays prédestine le peuple japonais à la vie maritime (ALBITRECCIA, Gds moyens transp., 1931, p.106).Prononc. et Orth.:[
], (il) prédestine [-
]. Ac. 1694, 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist. 1. Fin XIIes. en parlant de Dieu «destiner quelqu'un au salut en prévision de ses mérites» (Sermons St Bernard, 32, 14 ds T.-L.); 2. 1541 «destiner chaque homme d'une façon infaillible et éternellement vraie à être sauvé ou damné» (CALVIN, Institution Chrétienne, III, XXII, 9, éd. J. D. Benoit, t.3, p.428); 3. 1555 «choisir de toute éternité une personne pour qu'elle accomplisse telle ou telle action sur terre» (RONSARD, Les Hymnes, éd. P. Laumonier, t.8, p.9, vers 74). Empr. au lat. chrét. praedestinare «préparer à l'avance de toute éternité» (ST JÉROME ds BLAISE Lat. chrét.), lat. class. «réserver par avance» comp. de prae- «en avant» et destinare «destiner à, affecter à». Fréq. abs. littér.:26.
prédestiner [pʀedɛstine] v. tr.ÉTYM. V. 1190; lat. ecclés. prædestinare.❖1 Didact. (relig.). Destiner, de toute éternité et de manière inéluctable, à la damnation ou (absolt) au salut.1 Et si ce corps avez prédestinéÀ être un jour par flamme terminé,Que ce ne soit au moins pour cause folle (…)Clément Marot, Épîtres, XLIII.♦ P. p. adj. (V. 1190). || Prédestiné, ée : que Dieu a choisi, élu pour être sauvé. ⇒ Appeler (p. p.). || Âmes prédestinées (→ Attaque, cit. 4). — N. m. || Selon les Jansénistes (cit. 2), le Christ n'est mort que pour les Prédestinés. — Rare. Celui que Dieu a condamné d'avance (→ ci-dessous, cit. 3, Maurois).2 — (…) personne ne pourrait reconnaître en ces trappistes des êtres prédestinés vivant hors la société moderne, en plein moyen âge, dans la fiance absolue d'un Dieu. — (…) Tout est en dedans, dit l'oblat. Pourquoi les âmes élues seraient-elles écrouées dans des geôles charnelles différentes des autres ?Huysmans, En route, II, VII.3 Il avait été obsédé depuis l'enfance par ce thème du Premier Prédestiné, de l'homme condamné par Dieu avant le crime. Caïn était un effort pour transposer sous forme de drame sa protestation passionnée contre l'existence du mal dans une création divine.A. Maurois, la Vie de Byron, III, XXXI.2 (Mil. XVIe). Surtout au passif. Vouer d'avance (cit. 14) à l'accomplissement de grandes choses ou, simplement, d'un destin particulier (en bonne ou mauvaise part). || Ses origines ne le prédestinaient pas à (jouer) un grand rôle dans l'État. || Avec un nom pareil, il était prédestiné à gagner de l'argent (→ Faire, cit. 28). || « Sa mauvaise étoile le prédestinait à se noyer » (Littré). || Elle avait toujours été prédestinée à la mansuétude (cit. 1, Hugo).4 Il y a des destinées à secret; moi, j'ai la clef de la mienne, et j'ouvre mon énigme. Je suis prédestiné ! j'ai une mission.Hugo, l'Homme qui rit, II, IX, II.5 (…) il lui parlait la langue secrète, la langue natale de ceux qui sont prédestinés pour entretenir dans leur âme le feu des curiosités maudites (…)M. Barrès, la Colline inspirée, XVIII.♦ Au p. p. adj. (1549, Calvin). || Croire chaque femme prédestinée à un homme (→ Ineffaçable, cit. 5). — Adj. || Un être prédestiné, voué à un destin exceptionnel. N. || Les grands prédestinés.6 Le vieil archevêque de Paris a remercié publiquement la Vierge d'avoir fait naître, le jour de l'Assomption, l'homme prédestiné.Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, l'Avènement de l' Empire, VII.3 Réserver, disposer par avance pour un usage, un emploi déterminé. || Climat, terrain qui prédestine une région à l'agriculture.♦ Par métonymie. Décider, fixer d'avance. P. p. adj. || Sort prédestiné.——————prédestiné, ée p. p. adj.♦ Voir à l'article : cit. 2, 3 et supra; 6 et supra.
Encyclopédie Universelle. 2012.